Le coq au musée,
C’est en déplaçant les objets classés des réserves issues des fouilles de l’abbé Bessou, que sous un amas de poussière et de fientes de pigeons, se trouvait une girouette métallique rouillée. De forme traditionnelle, semblait-il, un coq presque naïf, surmontait la partie mobile de forme rectangulaire à l’extrémité dentée, portant au milieu des traces de peinture blanche. Gonfanon girouette et coq fixe.
Ne connaissant rien de cet objet, nous le laissâmes quelque temps encore en sommeil à la Porte de la Jane.
Alain Manuel, ancien président de la SAVC, me dit incidemment qu’il provenait de l’église Saint Michel.
Pourquoi se trouvait-il là ? Quelle tempête l’a fait se poser dans ces murs ?
Mais il était d’autres priorités à ce moment-là que nous avions à résoudre.
Lors de l’exposition sur la « croix des Fargues », l’église Saint Martin de Vindrac vint nous rappeler son existence. Nous le fîmes sortir des réserves.
Rouillé, poussiéreux, il ne demandait pourtant qu’à voir le jour.
Une enquête s’impose donc !
_Pourquoi une girouette sur le clocher ?
De par sa hauteur, le clocher est sûrement l’endroit idéal pour installer une girouette.
_Pourquoi un coq sur le clocher ? Est-ce bien le coq de Saint Michel ? Qui l’a fait mettre et quand ?
_Pour quelle raison a-t-il été enlevé, quand ? Pourquoi la Girouette avait-elle la couleur du drapeau national ? _Sont-ce les couleurs du drapeau de la France ?
Il faut donc commencer à se demander ce que symbolise le coq !
Faisons un rapide inventaire des qualités attribuées au coq à cause de ses caractéristiques physiques et de son comportement.
Muni d’une forte personnalité, l’estime que les Anciens faisaient du coq pour sa vigilance, son courage, son ardeur, les inclinait à voir en lui un oiseau protecteur. Animal ayant de nombreuses poules, il devient un symbole de virilité, et ne laissant pas facilement sa place dans la basse-cour, il est symbole de bravoure, et pour les grecs il représentait le courage militaire. Matérialisé de nombreuses fois sur des pièces de monnaies, des poteries, il fait partie des animaux sacrifiés dans de nombreux pays et moult rites païens. Souvent lié à Mercure, il est le messager aussi des Dieux. Il est le héros de nombreuses légendes et de contes. Je ne citerai que celles de St Tropez, de Barcelos (Portugal), de Munster (Allemagne), de Ceska Trebova (Rep.Tchèque), les contes de GRIMM (les musiciens de Breme), de POUCHKINE (le coq d’or), de Marcel AYME (Le Petit coq noir),…
Pourquoi un coq sur un clocher ?
Ce qui semble évident, après l’énumération de cette symbolique, c’est que le coq, haut placé, rappelle le Christ protecteur, vigilant et défenseurs de ses enfants. Le Coq-Girouette toujours face au vent, est le symbole du Christ face aux péchés et aux dangers du monde ‘’le chrétien face aux mêmes dangers et aux mêmes péchés’’. Mais je vous invite à lire le texte du Chanoine R Gaudin
« Mémoires de la Société Archéologique et Historique de Charente.de 1956 » http://andre.j.balout.free.fr/charente%2816%29_pdf/coq_clocher_gaudin001.pdf
« La verge de fer sur laquelle est perchée le coq représente la parole inflexible du prédicateur. Et parce que cette verge est posée sur la croix, cela signifie que les écritures sont consommées et confirmées » (Guillaume Durand de Mende, né vers 1230 à Puimisson près de Béziers et mort le 1er novembre 1296 dit le Spéculateur, en latin « Speculator », en référence à son « Speculum judiciale », était un ecclésiastique français. Il fut évêque de Mende en Gévaudan).
Quant à Jeanne Ramel-Cals qui écrit dans son légendaire d’Occitanie : « Lorsque en 1223 le sire de Beaujeu s’en vint plein de jactance, assiéger Cordes pour le compte de Philippe Auguste, il la regarda fort convoiteusement, mais la vit si défensive et haute, le coq de son clocher picorant les étoiles, il renonça, mandant au roi jaloux : On ne peut en cette cité entrer qu’en hippogriffe pour ce qu’est sur ciel de tout côté », il faut douter de la véracité, puisqu’ il fallut attendre la fin du XII pour avoir l’église St Michel à Cordes.
Je ne vois, sur les documents les plus anciens que j’ai pu trouver, aucun coq surmontant la flèche de l’église Saint Michel, ni même du St Crucifix ni même de la porte de l’horloge.
_Pour quelle raison a-t-il été enlevé, d’où, et quand ? _Pourquoi la Girouette avait-elle la couleur blanche en son milieu ? _Sont-ce les couleurs du drapeau national ?
Petit historique :
Dès l’antiquité, le coq apparaît sur des pièces de monnaies gauloises. Le jeu de mot latin « gallus » provoquera une confusion entre le coq et la France, terre de celtes vaincus par Caesar, mais aussi ayant réussi une certaine unité face aux envahisseurs romains. Il disparaît au Moyen-Age. Dans la numismatique médiévale et de la Renaissance, le coq est représenté. Il apparaît également sur les monnaies émises lors de la Constituante et la Législative (1791-1792). Il est largement représenté sur des assiettes et sur le sceau du Directoire.
Napoléon 1er quant-à lui, préfère l’aigle plus impérial, au le coq.
Le 30 juillet 1830, le Duc d’Orléans signe une ordonnance par laquelle, le coq gaulois orne les boutons d’habits de la Garde Nationale. En 1895 et 1899, il figure sur une pièce de 20 francs or qui remplace le Napoléon. L’identification du coq à la Nation Française atteint son apogée sous la III ème République, et ce n’est pas un hasard.
Car ce régime politique a une farouche volonté d’unifier le peuple français non seulement par l’Éducation publique (le français comme langue unique) mais aussi par son adhésion aux valeurs républicaines. Ici, nous pouvons interpréter la symbolique politique du coq en tant qu’élément de rassemblement du peuple français, c’est à dire qu’il annonce la levée du soleil sur un peuple unifié par la langue et les valeurs de la République. Qu’il soit Picard, Breton ou Occitan, le coq chante au lever du soleil républicain sur des peuples initialement distincts et éparpillés mais dorénavant rassemblés par un mortier commun.
Ces valeurs se manifestent par le biais d’allégories comme Marianne, le bonnet phrygien, l’instauration du 14 juillet comme fête nationale, la mise à l’exergue de Vercingétorix comme figure mémorable de la résistance à l’Empire Romain, allusion politique à l’antagonisme latente qui oppose la République Française au Reich des Hohenzolern qui a annexé l’Alsace et la Lorraine ? Et donc naturellement, le coq est devenu le symbole des gaulois donc de la France. De plus, n’oublions que les libéraux étaient les fers de lance du régime républicain et il n’est pas surprenant de retrouver le coq au même titre que Marianne sur des bâtiments publics comme les grilles d’entrée du palais présidentiel de l’Élysée. Aujourd’hui, le coq n’est plus un symbole officiel de la République mais désigne la nation et il est surtout utilisé dans le milieu sportif.
Cela confirmerait-il et expliquerait-il donc la partie mobile de l’objet ? Elle porterait donc les couleurs du drapeau national. Pourrait-il avoir été sur la mairie de Cordes avant son déménagement à la maison du Grand Fauconnier ?
Nous sommes tout à l’écoute de ceux qui pourraient nous en dire davantage et lever les incertitudes.
NB : La solution se trouverait-elle dans la nouvelle de Jane Ramel-Cals : « Le coq et la girouette » édité chez Fayard en 1952 dans « les œuvres libres » n° 74 ?
COCORICOOOOO !!!